nar ståhlberg | titre plus tard

Mon Nar,

Comme chaque année, me voici face à la dernière photographie que nous ayons prise ensemble. Tu sais, cette fameuse photo où je te vois, les cheveux décolorés en uniforme de lycéen. Tu rentrais en deuxième année tandis que moi, j'entamais ma dernière année de collège. Tu t'en souviens? Tu avais travaillé durant l'été pour m'acheter un uniforme tout neuf, un uniforme à ma taille. Tu avais caché tes économies dans ta chambre, dans l'amature de ton lit pour être sûr que papa ne mette pas la main dessus. Déjà à cette époque tu fumais tes cigarettes. Je détestais l'odeur de ton tabac, il impreignait tes vêtements et les miens aussi. Je me souviens m'avoir fait réprimender par un de mes professeurs à cause de cela. Maintenant, les choses ont changé, ton tabac me manque. J'ai assimilé cette odeur à toi.
Cette année encore, je l'ai passé sans toi, sans ta présence si réconfortante. Je me rend compte à présent à quel point tu faisais ton possible pour m'assurer une vie insouciente. Bien entendu, je ne suis pas stupide. Quand papa rentrait soul le soir, je savais bien ce qu'il se passait, je faisais semblant de ne pas le voir, je préférais ne pas le voir. Maintenant que tu n'est plus là, c'est à mon tour de m'occuper de lui, de le coucher en espérant qu'une fois au lit il ne se réveille pas ou ne s'énerve pas. J'ai souvent voulu poser mon oreillet sur sa tête pour qu'il s'endorme à jamais pourtant, et malgré mes nombreuses tentatives, je n'ai jamais pu. Un jour, j'ai failli le faire, lorsqu'encore une fois il posait ses mains sur moi. Je me souviens encore du bruit que ça faisait lorsque c'était à toi de subir. Avec moi, le bruit est différent.
Après le lycée, lorsque tu t'es mit à travailler ce fut les années les plus heureuses de ma vie. J'étais heureuse que tu te sois trouvé un travail et que tu ne te fasses pas mettre à la porte dès le deuxième jour. La fougue de l'adolescence te seyait à merveille. Tu étais plein de vie, débordant de vitalité malgré ton vocabulaire grossier et tes manière peu raffinées. A tes côtés, j'avais ce sentiment de sécurité grâce à ton attitude. Dans tes bras, je me sentais bien. J'aurais voulu y rester pour l'éternité, nous contre le reste du monde. Tu connaissais mon ambition, mes projets, tu savais que je voulais m'élever dans cette société. Ce que tu ignorais c'était les raisons qui me poussaient à le vouloir: pouvoir enfin te rendre tout ce que tu m'avais donné. L'autre jour, alors que je prenais un café, j'ai discuté avec un homme. Il te connaissait de vu puisqu'il était proche de l'endroit où tu travaillais. De sa bouche, j'ai appris ce que je redoutais, tu étais un exécutant, un sous-fifre de la pègre. Je comprend alors pourquoi parfois je retrouvais des trâches de sang sur tes vêtements. J'espérais qu'il ne s'agisse que de bagarre de rue mais peut être était-ce plus dangereux? Cependant, cet homme m'a dit t'avoir principalement vu à des endroits précis. Hélas, mes craintes se confirmes. Qu'est-il arrivé? Reviendras-tu un jour? Je t'attendrais.

Joyeux Anniversaire, mon très cher frère.

Ta Niamh.