card castle + ruvik

travailler avait toujours été une sorte de deuxième nature pour toi. c'était plus simple que de penser, aussi automatique que de respirer. tu étais né pour combattre, lutter, soumettre et diriger. ou du moins c'est ce que ton père avait fait de toi. mais ces derniers temps, tu étais distrait. et si travailler aurait eu le mérite de te calmer et recentrer ta concentration, ça n'était pas le cas. tu avais constamment l'esprit ailleurs et ça n'aidait pas à ta concentration. le pire, c'est encore qu'on te bassinait avec les prochaines élections, et que tu n'avais qu'une envie : celle de t'en aller le plus loin possible d'ici et si possible de ne jamais revenir. la pression était haute, et ton sentiment d'être constamment épié n'aidait pas. au contraire. tu n'arrivais pas vraiment à te détacher de l'idée que quelque chose vivait sous ton toit, et clairement tu n'avais pas juste en tête ton chat. mais tout était devenu si étrange ces derniers temps. il t'arrivait souvent de voir une silhouette dans le coin de ton champ de vision, ou alors de voir des choses étranges, tu avais l'impression que les gens te regardaient encore plus bizarrement qu'à l'habitude. et pourtant, en étant maire et fils de président, tu pouvais dire que beaucoup de monde te regardait naturellement bizarrement.

bref.
tu étais tranquillement au bureau, cherchant une excuse pour sortir prendre l'air, parce que tu étouffais, quand t'avais capté du mouvement. le genre de mouvement qu'aurait pas dû être là. et pour cause, un idiot s'amusait à marcher sur les bureaux pour renverser des trucs. comme ça. voilà typiquement ce qui entrait dans le champ des choses inhabituelles. alors tu t'étais mis à le fixer, assez sceptique, et d'autant plus que personne ne le remarque ou ne lui fasse de remarque. c'était plutôt étrange. c'était même carrément bizarre on va pas se mentir. du coup bon, quand il avait capté que t'étais là, que tu le voyais, et qu'il avait commencé à partir, plus de doutes sur sa nature. cette personne arrivait à se rendre immatérielle aux yeux des autres, ça semblait évident, même si tu ignorais pourquoi toi tu arrivais à le voir, c'était l'occasion de lui demander pour toutes les choses étranges qui t'arrivaient.

aussi tu pris sa suite, alors qu'on te demandait où tu allais, et qu'on essayait de te retenir, de ne pas sortir seul, de faire attention, de prendre un garde du corps avec toi. mais hé, c'était bon, les menaces de mort sur ta personne ou celle de ton père étaient régulières, et ce n'était pas tant des vivants classiques dont tu avais peur, mais plutôt de ceux comme lui.

excusez moi.

tu lances, tout bas, attendant que personne ne se trouve dans le couloir, parce que merci mais non merci. tu veux pas passer pour un fou si les autres ne le voient pas. t'es pas complètement idiot, au contraire. et puis. tu t'étais arrêté à un petit mètres, l'envie de le rattraper et d'attraper son poignet mais l'angoisse de savoir ce que ça pourrait faire, ce que ça pourrait déclencher, ou même l'angoisse de découvrir que tu ne pouvais pas le toucher.

excusez moi, monsieur.

tu répètes, un peu plus fort, un peu plus assuré aussi. hors de question de le laisser partir, tu as besoin de réponses, il ne peut pas t'échapper, pas vrai ? tu n'en sais trop rien mais il faut croire que son aura t'intimide un peu, c'est probablement ton instinct de survie qui parle.

je peux savoir votre identité ?

ou autre chose, n'importe quoi, un indice, un signe, quelque chose pour comprendre, finalement.

vraiment ? c'est la première chose que tu veux savoir, chéri ?

tu cilles, surpris. quoi ? qu'est-ce qu'il vient de dire ? tu te sens tout bizarre, et ça ne va pas en s'arrangeant.

il faut apprendre à poser les bonnes questions, tu ne te retrouverais pas dans ce genre de situation.

tu n'étais pas vraiment dans le déni, mais juste assez pour ne pas oser baisser les yeux sur ses pieds et le voir flotter en fait. et puis, tes joues étaient bien rouges, à croire que t'étais éloquent que face aux humains, que face aux vivants. en même temps ... on pouvait comprendre que tu sois un peu dépassé dans ta situation.

mais si tu y tiens réellement. je m’appelle aleksei. aleksei hwang. et inutile d’essayer d’utiliser une de ces machines pour me retrouver, je te ferais gagner du temps. je suis mort il y a 45 ans.

le nom t'es familier, et si son visage ne te disait rien, tu remercies ta mémoire d'avoir toute les clefs pour retrouver toutes les informations qu'il te faut. parfois, c'est éreintant de ne rien pouvoir oublier, c'est fatiguant de faire des cauchemars toutes les nuits, c'est fatiguant de revoir encore et encore le passage de la civière, le drap posé sur la visage de sephiroth, c'est fatiguant d'avoir des impressions bizarres, c'est fatiguant d'être paranoïaque parce qu'on ne sait pas oublier. mais c'est pratique, surtout dans ta situation.

il vient de se retourner, avec toute la cérémonie dont il semble capable, et tu restes quelques instants, figé, à réfléchir encore un peu, avant d'entrouvrir la bouche.

le danseur.

tu murmures, avant de soupirer faiblement. tu ne savais rien d'autres que ça. aleksei hwang, un danseur de ballet, la date n'avait fait que confirmer tes pensées. tu fis un pas dans sa direction, pas décidé à le lâcher. tu ne savais pas pourquoi tu le voyais, ni comment tu étais capable de communiquer avec lui sans que ce soit une torture physique pour l'un ou l'autre - enfin tu supposais - mais c'était là, et ça semblait assez précieux et fragile pour ne pas le laisser s'enfuir si facilement.

pourquoi errez vous ici ?

tu préférais mettre un peu de distance entre vous deux, même si ce dernier avait semblé bien familier, c'était ton habitude de faire usage des plus grandes politesse, et si possible de tenir à distance le maximum de monde. il fallait dire que toutes les personnes qui t'approchaient en souffraient terriblement, alors tu préférait faire ton maximum pour les éloigner, vivants ou morts. tu n'avais même pas questionné la véracité de ses propos, pour être honnête tu n'en voyais pas l'intérêt. tu n'avais pas vraiment peur non plus, c'était presque comme si l'idée que les spectres puissent errer te rassurait. peut-être, qu'avec ... un peu de chance, tu réussirais à contacter l'un de deux à qui tu voulais parler. bien sûr, il y avait ta mère, bien sûr, il y avait ton frère, mais avant tout tu avais besoin de réponses, et pour cela, il te faudrait contacter ... sephiroth. ou umbra, comme l'avait laissé suggérer ether lurantis.

je manque à tous mes devoirs.

tu t'inclines poliment, comme tu le fais toujours.

je suis ruvik hunter, le maire actuel de polaris.

aucune idée de s'il était au courant ou pas, mais qu'importe, c'était plus poli d'être à égalité, pas vrai ? tu aurais pu préciser que tu te pensais hanté et autres, mais tu préférais t'assurer qu'il n'essayerait pas de s'enfuir encore. pourtant, tu sentais bien que malgré tous tes efforts, aleksei risquait fort de demeurer un courant d'air.

puis-je faire quelque chose pour vous ?

ta bonté te perdra, décidément.

c'est tout ce que tu peux faire, peut-être que tu aurais dû te renseigner, mais malheureusement tu avais si peu de temps libre. peut-être auras-tu simplement entendu son nom durant un reportage télévisé, ou à la radio, alors que tu conduisais pour aller à la mairie. tu n'en sais trop rien, mais son visage te semble familier à présent, et tu n'aimes pas ce sentiment, tout simplement parce que ta mémoire ne te trompe jamais, et que si elle commence à ne pas savoir où elle est en est, tu es mal barré.

je cherchais une pauvre âme à tourmenter. parce que c’est ce que font les fantômes, non ? je préciserais que tu as ruiné mon après midi.

tu aurais un peu de mal à savoir s'il est sérieux ou non, mais la remarque te fait rire. à croire que les fantômes ne sont pas si différents des vivants. et ça t'étonne, surtout venant d'un fantôme mort depuis déjà plusieurs décennies. tu es presque prêt à lui proposer une sortie, un verre ou un dédommagement pour avoir ruiné son après-midi, mais tu supposes qu'il va simplement se moquer alors tu n'en vois pas l'intérêt.

il sait qui tu es, tu t'en doutais mais tu préférais te montrer poli. il parle de destin, tu cilles. beaucoup de gens pensent que tu es où tu es uniquement grâce à ton père, mais tu te retiens de répondre qu'on t'a constamment mis des bâtons dans les roues et qu'on a constamment demandé de prouver ta valeur. tu as fais de ton mieux et cette place tu la mérites, tu le sais. tant pis si les gens pensent le contraire, toi tu le sais.

tu ne devrais pas offrir ton aide à n’importe qui, en particulier dans ton cas.

ah oui ? sa remarque te fait froncer les sourcils. est-ce qu'il essaye de te menacer ? on dirait, mais ça a l'effet inverse, au contraire oui il ne fait que t'intriguer. qu'est-ce qu'un fantôme pourrait faire ? te tuer, tout au plus. et après. la belle affaire, ce n'est sans doute pas dans leur intérêt. tu espères du moins. tu devrais peut-être faire attention. peut-être qu'en plus d'avoir des humains mécontents aux trousses tu as aussi des spectres. autant dire que l'idée ne te rassures pas outre mesure.

depuis quand est ce que tu es capable de voir les gens comme moi ?

ah ! enfin une question à laquelle tu sais répondre. enfin. après réflexion non, tu ne sais pas vraiment y répondre, mais tu sens que tourner au pot finira juste par l'agacer, alors tu grimaces faiblement.

pour être honnête, je n'en ai aucune idée. il me semble que vous êtes le premier que je rencontre.

c'est sans doute surprenant que tu sois si calme dans ta situation, d'autres auraient probablement paniqué, pleuré, peut-être qu'ils auraient fuit, mais tu doutes que la logique dise d'aller à la confrontation, et pourtant, tu es là, face à lui, aussi calme que tu puisses être, même si tu demeures un peu impressionné, et probablement un peu admiratif également. la mort ne t'effraie pas, c'est ce qu'on dit quand on est vivant, pas vrai ?

comment êtes vous mort ?

tu demandes, avant de comprendre que c'est peut-être déplacé. tes joues rosissent un peu, tu esquisses un sourire un peu maladroit.

je vous présente mes excuses si c'est un sujet sensible.

tu supposes que ça l'est, et que les années n'y changent rien. après tout, autant que tu saches, il est mort jeune, et ce n'était définitivement pas de mort naturelle, alors ta question est définitivement mal venue.

si vous souhaitiez importuner quelqu'un, vous pouvez toujours me tenir compagnie un moment ?

tu penches la tête sur le côté, un sourire presque trop naïf au visage, et pourtant, tu sens dans son aura qu'il est bien dangereux et que tu devrais te méfier. et pourtant, tu n'as pas envie de simplement lui manger dans la main et t'écraser, terrifié. ta boule au ventre, elle est là, et tant pis si elle devient lourde à porter. tu as tellement de questions.

tu n’as pas peur …?

sa remarque te fait ciller mais toute de même tu dois bien avouer qu'il a raison. tu devrais avoir peur, et pourtant, non. c'est presque comme si tu le connaissais depuis toujours et qu'il était totalement impossible ou hautement improbable qu'il puisse te faire du mal. et pourtant ... pourtant, dans ta tête, tous les voyants s'allument et te hurlent de rester loin de cette créature. tu auras de la chance si c'est un simple spectre, et qu'il n'attend rien de toi, mais qui sait ce qui pourrait arriver.

... et ce n’est pas de très bonne augure.

tu supposes qu'il parle de toi, de ta façon de le voir et tu ne peux qu'approuver ce qu'il dit, ce que tu t'empresses de faire d'un faible hochement de tête. à quoi bon se voiler la face ou se dire que c'est un cadeau du destin, du seigneur ou de ce que vous voudrez, il faut se rendre à l'évidence : si tu vois les morts, c'est probablement que tu vas les rejoindre plus vite que prévu.

j’ai été torturé. ce n’était pas dans votre dossier ? évidemment que non, ça fait forcément tâche, de trouver un étranger mort sur votre territoire, en plus dans ces circonstances. ce n’était pas très beau à voir. si je me rappelles bien, ton prédécesseur a vomi son dîner en découvrant mon corps.

tu restes stoïque en le dévisageant, peut-être qu'un instant tu essayes d'imaginer ce qu'il a pu vivre. tu supposes qu'il suppliait de mourir et que c'est venu bien trop tard. c'est comme ça que marche la torture, pas vrai ? mais son ton acerbe te laisse songer que tu ferais mieux de ne pas trop te mêler de ses affaires. et pourtant, ce qu'il te dit te touche en plein coeur. ce n'était pas dans votre dossier, tu te souviens avoir lu beaucoup de choses, mais en effet il a raison tu n'as jamais rien vu sur cette histoire. sûrement que le gouvernement l'aura fait passer sous silence. est-ce qu'il avait été torturé par le pouvoir en place ? l'idée te révulse, et pourtant ce serait loin d'être la première fois.

ton manque de préservation est particulièrement….déroutant.

à nouveau la remarque t'amuse, et ça se sent à la façon dont tu souris. il a beau te menacer de mort, tu n'as pas vraiment peur, peut-être qu'à l'intérieur tu bouillonnes, mais peut-être autant que l'idée de te faire massacrer par un fantôme plutôt que par un humain n'éveille rien de spécial chez toi.

vous l'avez dit, je n'ai pas peur.

tu as un ton loin d'être ce petit ton agaçant de ceux qui ont toujours raison. non, tu sembles aussi surpris que lui en disant tes mots. tu dois être idiot, quelque part. ou parfaitement démuni.

je pourrais faire la lumière sur les circonstances de votre mort, si vous le souhaitez.

tu détournes les yeux, et quelque chose te dit que tu ne devrais pas le quitter du regard, il ne manquerait plus qu'il disparaisse, ça t'angoisse un peu de te retrouver seul dans le couloir, soudainement.

je sais que c'est une bien moindre consolation, mais si ça peut vous aider à reposer en paix...

hallelujah, tu es encore une fois trop gentil. comme si tu avais du temps à perdre, comme si tu avais du temps pour toi, comme si tu n'étais pas déjà en train d'enquêter sur ton propre père. ah, tu espères qu'il ne soit pas mêlé à ça, mais comment pourrait-il l'être, il était bien trop jeune, pas vrai ?

tous les gens sensés ont peur de la mort.

tous, sans doute. est-ce tu n'as pas peur, ou est-ce que tu sais le cacher ? difficile à dire, en attendant tu l'observes longuement, comme pour ancrer ses traits dans ta mémoire, et quelque part c'est déjà ce que tu fais. il faut dire qu'aleksei est très beau, et tu pourrais l'admirer des heures durant, sans mentir. et pourtant, à chaque phrase qu'il prononce, c'est comme s'il essayait de t'éloigner un peu. peut-être parce que tu l'importunes, peut-être pour te protéger, ou simplement parce que tu l'inquiète, d'une certaine façon. tu le tires hors de sa zone de confort, comme il le fait avec toi. ou alors peut-être que tu deviens juste complètement fou.

ton courage est honorable...idiot, mais honorable. mais mettre ton nez dans des affaires vieilles de cinquante ans pourraient très certainement te mettre en danger toi, mais aussi ta famille.

il s'est approché, et il t'a touché, et tu l'as senti, ce contact, comme s'il était fait de chair et de sang. sans mentir, ça t'avait arraché un long frisson, sans trop savoir s'il était désagréable ou non. sa peau était froid, glacée contre la tienne, et pourtant douce, tu pouvais le sentir. pour peur tu te serais abandonné quelques instants, tu aurais fermé les yeux et te serais laissé bercer par sa voix. mais tu ne peux pas te permettre de baisser trop de défenses. tu peux pas laisser tes failles, tes faiblesses béantes pour le laisser s'y insinuer comme ça lui chante. tu n'es pas si bête.

tu te retiens de dire que ta famille ne compte plus aujourd'hui. qu'ils sont plus nombreux du côté d'aleksei que du tiens, tu gardes ta bouche fermée et c'est très bien ainsi. inutile qu'il sache à quel point tu doutes de ton père, c'est encore un sujet sensible, un sujet sur lequel tu préfères n'amener personne sans avoir su démêler le vrai du faux.

mais si tu es curieux, je peux te montrer où ça s’est passé.

il vient de disparaître sous tes yeux, après que son contact n'ai été rompu. finalement c'est à regret que tu l'observes, là bas, au fond du couloir. tu ne devrais pas quitter ton poste, ça risque de jaser. mais après tout, tu n'auras peut-être plus jamais la chance de pouvoir croiser aleksei, ou quelqu'un comme lui. alors, si l'envie de voir une ancienne salle de torture ne te plait pas outre mesure, tu te dis que ce serait sans doute l'occasion de lui poser les questions qui te chagrinent, si tu en trouves le courage.

je vous suis.

tu murmures, alors que tu approches, marchant calmement pour le rejoindre. tu viens de replacer correctement les plis de tes manches de costume, et tu pousses la porte qui mène à l'extérieur. on va encore te dire que c'est terriblement dangereux de sortir sans personne pour t'accompagner, mais tu ne pourras pas répondre que tu sortais avec une bombe à retardement. dommage. tu jettes un regard furtif à aleksei, angoissé à l'idée qu'il puisse te laisser là, sur ta faim. angoissé de réaliser que tu es simplement en train de délirer et de faire un burn out à cause de la fatigue, aussi.

tu te laisses guider, tu écoutes. ça a toujours fait partie de toi, tu as toujours bien aimé les histoires, quelles qu'elles soient. voilà effectivement des choses que tu n'avais jamais entendu auparavant. l'histoire d'aleksei ... tu comprends qu'on ne te l'ai jamais raconté. tu comprends qu'elle ait été passée sous silence. et même si ça te révolte, quelque chose se forme dans ta gorge. comme un sentiment de déjà vu. ah quelle ironique qu'on puisse tuer pour avoir aimé, pas vrai ? c'est ce que tu dis, alors que les mots de sephiroth couchés sur le papier de sa lettre de suicide résonnent dans ta tête, encore et encore.

j'en peux plus ruvik, j'avais besoin de quelque chose de concret.
c'est impression, elle est là, elle s'est posé dans un coin de ta tête et elle s'amuse à te poker avec un bâton de temps à autre pour réveiller des pensées douloureuses. est-ce que sephi aurait subi la même chose, d'une façon ou d'une autre ? peut-être que c'est pour ça que la rage, la fureur d'aleksei te touchent tellement. peut-être que c'est pour ça que tu t'accroches à lui. peut-être qu'il te fait simplement penser à lui, même si tout semble les opposer.

belle histoire, n’est ce pas ?

sa douleur est tellement réelle, tellement vibrante, tellement vivante que ses mots te heurtent de plein fouet, et dans l'instant tu détestes l'hypersensibilité qui fait naître d'épaisses larmes aux coins de tes yeux. mais tu ne les repousses pas, tu n'en vois pas l'intérêt. à qui aleksei pourrait bien aller le raconter de toutes façons.

comment pouvez vous être aussi calme ?

tu es sans doute mal placé pour dire ça, mais ta voix trahi totalement l'émotion qui vient de te serrer, comme si elle était déterminée à ne jamais te laisser repartir. tu n'as pas envie de paraître faible, ni même qu'il pense qu'il t'effraie, mais tu ne peux t'empêcher de ne rien lui cacher des émotions qu'il réveille en toi, pour le moment du moins. c'est amusant, c'est ce que les gens qui ont voté pour toi ne cessent de répéter. ce qui est bien avec ruvik hunter, c'est que c'est un livre ouvert. il est trop sincère pour mentir, vous comprenez. on te compare sans cesse à ton père, lui qui n'affiche jamais rien d'autre qu'un sourire confiant. on te dit humain, on le dit presque divin. nul doute qu'entre l'homme et la divinité, ce n'est jamais l'homme qui gagne. peut-être que tu n'as simplement pas à t'inquiéter des spectres, parce que le danger ne vient pas d'eux.

tu te retournes pour lui faire face et sans vraiment réfléchir tu approches tes doigts pour toucher sa joue. c'est presque un réflexe, tu veux simplement le consoler, simplement lui faire comprendre que c'est derrière lui à présent, et que tu es là, s'il a besoin de quelque chose. c'est complétement idiot, après tout il ne sait rien de toi, et en dehors de son histoire, bien sûr, tu ne sais rien de lui non plus. et pourtant ce que tu fais, c'est juste de la pure empathie. très vite stoppée par tes doigts qui frôlent la surface de sa peau et la traverse comme s'il n'était qu'un songe. tu soupires faiblement en laissant retomber ton bras. c'est amusant de vous voir à la même hauteur, à vous dévisager.

presque comme des égaux.
presque comme si rien ne vous séparaient.
comme si les frontières de la vie et de la mort étaient devenues un peu troubles, incertaines.

il y a deux jours, j’ai tué un homme.

tu ignores s'il dit ça uniquement pour te faire peur ou s'il est sincère mais ta raison te pousse à penser qu'il l'est, dans ton intérêt. ne le provoque pas, ça ne sert à rien, d'autant plus sur un sujet comme la mort, le meurtre, et toutes ces affaires. mais pour être honnête, tu devrais frissonner d'angoisse et prendre tes jambes à ton cou, et pourtant... pourtant tu ne dis rien. il faut avouer qu'ici, à astéria, ici, à polaris, tout le monde ou presque a du sang sur les mains. que ce soit directement ou pas. peut-être bien que tu n'as jamais tué directement quelqu'un, mais tes décisions auront forcément amené au moins une personne à mourir, sans parler de celles de ton père, le sang de ton sang. peut-être aussi que tes choix de t'allier d'une façon peu recommandable à la pègre n'étaient pas bons, peut-être que l'idée de ne pas abandonner un quartier entier comme le réclamait désespérément les plus riches de la ville n'était pas bon. peut-être que tu devrais écouter, mais tu ne sais pas faire. pas comme ça. écouter oui, abandonner non.

mon dieu ruvik. qu'est-ce que tu fais, à quoi tu joues ?
étrangement, cette fois tu sens qu'il est à nouveau là, physique, et que tes doigts auraient pu toucher sa joue, réellement si tu t'étais donné la peine de relever la main, mais ton bras tremble un peu, alors tu te contente d'approcher pour glisser tes doigts contre les siens. sans vraiment les serrer, tu passes juste ta main autour de la sienne. ta propre main te semble brûlante, mais c'est probablement parce qu'il est glacé.

vous avez dû grandement vous désensibiliser, en effet. parce que je ne vous ai pas en pitié.

tu annonces, avant de planter ton regard dans le sien. bien sûr, tu le détestes de ce qu'il a fait, personne ne mérite de mourir, sûrement pas de la main d'un spectre, mais cette main, celle que tu tiens contre toi, tu peine à croire qu'elle puisse faire le moindre mal juste comme ça. il a probablement une raison. que ce soit sa haine de la vie ou des ordres. tu es sans doute naïf, tu en viens à excuser un meurtrier qui se confesse. un meurtrier qui pourrait bien s'en prendre à toi. mon dieu, depuis quand es-tu aussi stupide ?
depuis sephiroth. depuis qu'il est parti. bien sûr, quelque chose s'est brisé en toi, et tes murs sont tombés. depuis lors tu n'es plus vraiment le même. et puis il y a eut l'annonce de la mort de ton frère. et puis il y a eut tes doutes, face à ton propre père. et puis il y a eut circée, et circée a terminé d'éclater tes dernières défenses. et même si tu te sens terriblement vulnérable et fragile, ça a dû bon de parler à cœur ouvert.

j'ai beaucoup d'admiration pour vous. pas pour le ou les meurtres, naturellement. mais vous errer ici depuis plus de quarante ans, et vous gardez encore la tête assez froide pour raconter votre histoire et entretenir la discussion avec un inconnu trop curieux.

tu esquisses un sourire. un de ses sourires solaires qui te donne presque l'air d'être un enfant sage. on comprend pourquoi tu plais autant au grand public, finalement.

je serai probablement devenu fou, à votre place.

ta voix est douce et pourtant les mots sont sincères. si tu chéris peu la vie, tu angoisses à présent à l'idée de te retrouver coincé dans la mort. on suppose que ça se comprend, quand on entend l'histoire du danseur russe.

qui te dit que je ne le suis pas ?

la remarque t'amuse, parce que tu t'y attendais. sincèrement, tu t'attendais à ce qu'il te dise qu'il est fou, et que tout le monde est fou, chez les morts. tu t'attends presque à croiser un lapin blanc avec une montre. à croire que ... c'est peut-être aleksei ? lui qui semble tant vouloir t'attirer vers son monde autant qu'il cherche à te repousser vers les vivants.

je ne dévore pas les âmes d’innocents.

ton regard s'assombri un peu. qui peut prétendre que tu sois innocent ? ingénu, peut-être, naïf, parfois, mais sûrement pas innocent. sans quoi jamais tu ne te serais retrouvé à ta place. des coups en traître et des secrets, il a fallu en avoir pour te hisser dans les hautes sphères de la société astérienne. tu ne saurais dire si tu regrettes ou non. peut-être que de toutes façons, tu n'avais pas le choix. ton père avait tracé ta route, avant même que tu ne viennes au monde. alors pourquoi s'en détourner, tu n'en connaissais pas d'autres ?

je t’ai tout livré de moi. à ton tour, maintenant. qui a laissé ce vide dans tes beaux yeux ?

il s'est approché, il vient d'accrocher ton regard et c'est presque comme un sort qu'il te jette. tu n'arrives pas à t'en défaire, malgré l'envie de lui demander d'aller autre part que dans cette petite pièce sombre et humide. tu crèves d'envie de lui faire voir la grande vie polarisienne, tu crèves d'envie de lui faire prendre l'air. mais au moins vous ne serez pas dérangés ici.

ma vie est bien morne comparée à la vôtre.

tu souffles, avant de lui esquisser un sourire sincèrement désolé. il risquerait de bien s'ennuyer à t'écouter raconter comment tu as embrassé ce qu'on avait déjà décidé pour toi. tu détournes les yeux, et tu soupires.

j'attendais un signe pour en redevenir maître, il faut croire que vous êtes mon signe.

c'est décidé à présent, tu vas mener ton enquête à terme, et tant pis si les secrets que tu déterres sont plus sombres que jamais, tu sembles prêt. mais moins à te confier, cela va s'en dire. tu n'as jamais été très bon à ce jeu, on dira d'ailleurs souvent de toi que tu es aussi transparent que mystérieux, peut-être que ta transparence s'ajoute au secret ? peut-être que tu donnes cette sensation de n'être qu'un courant d'air qu'on ne saurait saisir ? peut-être que tu ressembles déjà à un spectre, finalement. toi qui rêvait d'être solide, de pouvoir offrir une vie concrètement et rassurante aux gens que tu aimes. tu as soudainement la peur au ventre qu'on s'en prenne à circée. peut-être que tu devrais prendre tes distances, oui. peut-être bien.

je crois que la mort se plait à venir me tenir compagnie.

un silence.

ou réquisitionner les gens qui me sont chers.

tu soupires faiblement, tu détournes les yeux, tu recules. tu veux te défaire de son emprise, c'est bien moins amusant maintenant qu'il faut se confier.

quelle délicieuse ironie. qu’un mort vous donne envie de vivre.

ce n'est pas tant de vivre qu'il te donne envie, mais de reprendre le contrôle, celui que tu n'as jamais réellement eu. et ce contrôle, ces décisions, elles pourraient bien provoquer ta mort plus rapidement que tu ne le voudrais.

tu as perdu une personne qui t’es chère. oh, ne me regardes pas comme ça, tu n’as pas besoin d’en dire plus, je sais.

il annonce, après avoir cité roméo et juliette et tu cilles, surpris. il a l'air de lire à travers toi, mieux que jamais, sans doute parce que tu lui en laisses l'occasion, et la suite de ses mots te laisse penser que tu ne ferais mieux pas. d'un autre côté... c'est un jeu dangereux, mais c'est un jeu tout de même, et tu en as bien conscience. raison pour laquelle ton esprit ne cesse de répéter de ne pas faire ça, de ne pas prendre ce risque, tu regretteras.

et pourtant. pourtant tu ne peux t'empêcher de le regarder, de le détailler, longuement, silencieusement. ce serait même presque mal venu de faire ce que tu fais de la sorte. toi qui t'efforce tant d'être poli et avenant, tu le détailles avec bien trop d'appui dans l'instant, comme si tu le jaugeais, que tu jaugeais sa puissance, ou le danger potentiel qu'il est pour toi. il ne sait rien de toi, pas vrai ? et pourtant, tu as envie de tout lui dire. tes lèvres s'entrouvrent et tu manques de lâcher le prénom de ton ancien amant. sephiroth. pourtant tu te ravises, comme si quelque chose d'invisible te retenait. comme si quelque part tu sentais que si aleksei est encore agréable et terriblement gentil - finalement - avec toi, il n'en sera peut-être pas de même avec un possible spectre. alors oui, quelque part tu cherches à le protéger, toi qui a poussé sa mort.

j'enquête sur mon père.

tu lâches, finalement, venu de nul part. après tout, il veut savoir des choses, alors tu lui révèles des secrets, de ceux qui pourraient proprement inquiéter et ta réputation, et ta vie. mais qu'en a-t-il à faire de ta réputation, lui qui menaçait de pouvoir t'assassiner, ici, maintenant. tu as la sensation qu'il pourrait le faire d'un simple battement de cil, et tu ignores si l'idée t'attire ou te révulse.

je pense que c'est un assassin.

et voilà, les mots sont lâchés. tu soupires faiblement. c'est bien la première fois que tu l'annonces, et encore plus clairement. bien sûr, en parler subtilement avec ether lurantis, c'était quelque chose, mais ce n'était pas clair. sauf que maintenant, face au fait accompli, maintenant, lorsque tu entends en écho tes propres mots, tu ne te sens pas mieux, bien au contraire.

et jusqu'ici il était ma seule base solide.

les fondations s'écroulent, le bateau prend l'eau. tu souris à nouveau, plus amer. il doit comprendre à quel point tu n'as plus rien à perdre. bien sûr, tu t'inquiètes pour cette ville, tu t'inquiètes pour ce pays, pour tous ces gens que tu n'as rencontré qu'une fois ou deux et qui ont su trouver une place dans ton coeur, tous ces gens que tu ne sais pas oublier, que tu es incapable d'effacer de ta mémoire.

je suppose que je me sens simplement seul.

machinalement, tu penses à circée, et puis évidemment à ton chat. finalement, ils sont tes bases solides aujourd'hui. il y a ether, aussi, mais tu doutes qu'il soit une base, et encore mois qu'il soit solide. tu n'arrives pas à jeter l'ancre, et tu as peur de noyer avec toi celui ou celle qui saura te tendre la main.

ce sont de lourdes accusations. qu’est ce qu’il te fait dire ça, je peux savoir ?

non, il ne peut pas, il ne faut pas, c'est ce que tu te répètes, encore et encore, parce que c'est dangereux, et si ça l'est pour toi, comment savoir que ça ne l'est pas pour aleksei aussi ? c'est idiot, mais voilà que tu essayes de protéger un spectre. c'est complètement idiot ce qui se passe, pas vrai ?

je pourrais t’aider ! après tout, qui de mieux placé pour démasquer un assassin qu’un mort ?
aleksei, vous...

tu te ravises. tu soupires. qu'est-ce qu'il peut bien risquer, de toutes façons ? peut-être qu'il pourrait interroger les principaux concernés, mais encore et encore, tu n'as pas envie de l'approcher trop près de sephiroth, s'il est en mesure de le connaître. tu ignores pourquoi, mais ça ressemble à un mauvais pressentiment. aleksei a pourtant l'air du genre d'homme capable de connaître tout le monde et surtout leurs secrets. alors il pourrait être un allié de choix, c'est évident. il semble en avoir bien conscience.

est-ce que vous connaissez umbra lurantis ?

tu esquisses un sourire bref, un sourire gêné. tu n'as jamais eu l'occasion de la rencontrer, et pourtant tu aurais pu, pendant ton enfance. tu te souviens des grandes affiches et des titres de journaux sur son décès. suicide. à croire qu'il a un motif. est-ce que ton père est un serial killer ? un long frisson court le long de ta colonne.

ils avaient une aventure, avant qu'elle ne meure.

ça tu en es persuadé, intiment. et les remarques d'ether n'ont fait que confirmer l'idée. pour ce qui est du reste, tu n'en sais rien. peut-être qu'il aura aussi tué ta mère - apparemment morte de maladie - ou ton frère, alors qu'il cherchait à te retrouver. tu aimerais bien qu'on lui fasse passer un message, mais il faut croire que tu as la même appréhension qu'avec sephiroth. tu ne sais pas grand chose de lavio, mais ether t'en voudrait à mort s'il lui arrivait quelque chose, là où il est, pas vrai ?

toute cette histoire n'a rien de simple, mais je ne pense pas réussir à trouver la moindre preuve, malgré mon enquête.

nouveau sourire. tu approches un peu d'aleksei et tu le détailles, les yeux emprunts d'inquiétude à nouveau. quelque chose en toi à envie d'approcher les mains, de le toucher, mais tu sens qu'il se ravisera, ou que ça finira par être douloureux. alors tu te contentes de l'admirer, en essayant de lui faire comprendre que ça n'a rien d'une bonne idée.

plus j'y réfléchis, et plus je me dis que c'est une mauvaise idée. il vaut mieux pour vous que vous restiez en dehors de ça. j'ignore ce dont il est capable, mais j'ai davantage peur pour vous que pour lui.

malgré son actuel statut. qui sait combien de spectres en colère s'en sont déjà prit à ton père ? tu l'as déjà senti, tu l'as déjà perçu, cette présence qui rode toute autour de lui, ces ondes négatives. tu as toujours été sensible à ça. aux petits accidents, aux petits signes. alors, s'il est toujours vivant, c'est qu'il y a une raison. et tu n'as pas envie d'en découvrir la nature.