spirits ϫ ether

tu observais le ciel avec un peu d'inquiétude devant la grisaille, tu n'avais pas de parapluie. oh, bien sûr, droit comme un i devant la tombe de ton frère, ça n'aurait pas dû être ta principale préoccupation, mais tout ce qui s'était passé ces deux dernières années s'était tellement enchainé que tu ne te sentais pas vraiment apte à te comporter correctement. à penser correctement. à agir comme un humain normal. c'était la tombe de ton frère, mais c'était un étranger. un étranger que tu crevais d'envie de connaître, un étranger quand même. ce n'était pas ta faute, évidemment, c'était celle de ton père, sans doute, mais tu ne pouvais t'empêcher de t'en vouloir. de te dire que, si tu n'avais pas repoussé les recherches, encore et encore parce que tu n'avais pas le temps, tu aurais peut-être pu éviter ça. tu aurais peut-être pu, oui. personne n'aurait pu te dire le contraire. surtout à cause du fait que personne ne te demandait rien, et tu n'en parlais à personne.

tu aurais pu aller voir sephiroth, maintenant que tu étais là. tu aurais dû, sans doute, mais tes jambes tremblaient un peu rien qu'à l'idée d'approcher sa tombe. il te détestait, pas vrai ? tu n'arrivais pas à te dire le contraire, c'est comme si tu le sentais, tout autour de toi. et puis, il y avait cette histoire, naissante. pas une histoire d'amour, oh non, certainement pas ! mais tout de même une histoire. tu ne voulais pas faire plus d'interférences, vexer sephiroth, ou quelque chose du genre. alors tu restais planté là, devant la tombe aux fleurs défraîchies.

d'ailleurs, tu en avais, avec toi. un énorme bouquet de fleurs mauves, absolument magnifiques, solides pour tenir au moins une ou deux gelées nocturnes. tu venais de te pencher pour les déposer sur le devant de la stèle, jetant un oeil aux autres tombes à côté. elles étaient remplies de photos, de petites statuettes, de citations, de présents, de nourriture aussi. mais celle de lavio... elle n'avait rien d'autre que son nom, comme une évidence. comme le nez au milieu de la figure. comme pour souligner que tu n'avais pas eu la moindre excuse à arriver si tard. son prénom, son nom, la date.

et rien d'autre.
aucune information.
rien qui aurait pu te dire ... qui il était ?

ça te tuait, vraiment. tu voulais juste le connaître un peu, même si c'était trop tard. peut-être que tu aurais dû commencer à chercher ses amis... mais ça te semblait compliqué, aux dernières nouvelles lavio n'était pas le genre de personne qui s'entourait d'amis. alors comment faire ?

Combien de jours ? Combien d'années ? Combien de temps. Ether ne savait plus trop, peut-être que Lavio était mort depuis des siècles et qu'il ne s'en était pas aperçu, ça aurait pu être le cas, Ether n'avait plus vraiment envie de compter de toutes façons.
Et puis Lavio ne lui en voulait sûrement pas.
Il passait souvent sur sa tombe, et il restait planté là, comme un idiot, persuadé que Lavio le voyait. Et ça le rendait triste, ça le rendait malade à en crever. Il n'était même pas en colère contre Lavio, ce n'était probablement pas sa faute s'il était mort, c'était sûrement en accident, il ne savait pas trop, il ne voulait pas savoir en fait. Alors il passait toutes les semaines, espérant qu'un jour quelqu'un viendrait à ses côtés, peut-être que Lavio se sentirait mieux comme ça. Il perdait les pédales quand on lui demandait de réfléchir au sujet des morts. Peut-être que ce n'était pas suffisant de devoir subir le deuil de sa mère, il fallait que Lavio se tue comme un idiot dans de la flotte.
Ether était un peu désespéré.
Et cette fois là quand il était entré sans un bruit dans le grand cimetière, toujours plus grand, il avait aperçu une silhouette - ils étaient habillés de manière semblable, avec un grand manteau noir. Il n'y avait qu'eux dans le cimetière, il ne pleuvait pas mais il faisait gris, c'était horrible, il n'y avait aucune couleur sinon les cheveux roux d'Ether qui détonnaient dans le paysage, à peine cachés par un chapeau de toile noire. Ether avait approché, et réalisé que l'inconnu était debout devant la tombe de Lavio
Il ne savait pas pourquoi ça l'avait énervé, mais son coeur s'était serré sensiblement en le voyant là.
Probablement parce que cette personne n'avait pas été là à l'enterrement de Lavio, et qu'il aurait pu venir avant.
Et puis il le reconnaît, c'est le maire, ça ne lui arrache pas la moindre pensée, ni la moindre expression. Il vient juste à ses côtés, observant la tombe un peu usée par le temps en face d'eux. Ses poings sont serrés. En réalité ça ne l'étonne pas de voir un Hunter ici, il se doutait bien que Lavio était de leur famille, mais ça l'énerve encore plus. Il soupire, la tension retombe un peu. Il relève la tête, plante son regard bicolore sur le visage de l'autre homme.

Il aurait été heureux de vous voir ici. Je suppose.

Peut-être un peu plus heureux de voir son frère aîné avant de mourir, mais bon.

il aurait été heureux de vous voir ici. je suppose.

tu ne l'as pas vu arrivé, tu cilles un instant avant de déposer ses yeux sur la silhouette filiforme. ether lurantis. un acteur, plutôt renommé. tu n'es pas dû genre à beaucoup te renseigner là dessus, mais les lurantis sont assez réputés à polaris pour que tu ne puisses simplement pas passer à côté du moindre de leurs faits et gestes. et puis ... circée. peut-être que c'est la raison pour laquelle tu essayes de te tenir loin des autres, peut-être que c'est la raison pour laquelle les autres rappliquent. tu n'en sais trop rien. tu inclines doucement la tête avant de reposer tes yeux sur la tombe froide et humide. ça t'angoisse de le savoir là dessous.

j'aurais préféré le connaître de son vivant.

tu lâches, tout bas. tu n'essayes pas de te justifier, au contraire, si tu pouvais te flageller un peu plus, tu le ferais certainement. mais il n'y a rien que tu puisses faire de plus. tu ne fais pas revivre les morts, tu le saurais, depuis le temps. tu restes un instant silencieux. ether lurantis connaissait ton frère. ça te surprend, sans mentir, mais pourquoi pas après tout. tant mieux s'ils étaient proches, tant mieux si lavio avait des amis, tant mieux s'il était aimé, tant mieux s'il était heureux. c'est tout ce que tu veux, finalement.

vous le connaissiez bien ?

tu reposes ton regard sur son visage, sans le regarder directement, comme si tu ne voulais pas le gêner. et puis tu parles tout bas, parce que dans un cimetière on ne voudrait pas déranger les morts dans leur repos éternel. tu ne sais pas trop pourquoi tu t'attaches autant à ce genre de petites pratiques, de petites superstitions mais c'est comme ça, et pas autrement.

vous pouvez me parler un peu de lui ?

un sourire bref, timide, honteux un peu. bien sûr que tu es honteux. qui es-tu pour importuner quelqu'un ? qui es-tu pour faire ça, après tout, il vit probablement plus son deuil que toi, tu n'en sais rien. à croire que chez les lurantis comme chez les hunter, la mort rode à tous les coins de rue.

C'est l'homme que Circée fréquente. Bien sûr qu'Ether est au courant - comment ne pas l'être ? - et l'idée le taraude. Il n'aimait pas Ruvik, mais c'était naturel. C'était normal. Ruvik avai le même regard que son père et Ether haïssait cela. Littéralement. Il ne pouvait pas voir Ruvik autrement que comme une copie conforme de son paternel, comme un rapace, un être difforme issu de l'immondice qu'était Celadon Hunter. Il retint une grimace dégoûtée, retint un pas en arrière, retint sa fuite. Lavio n'était pas comme les autres Hunter - probablement parce qu'il n'en était pas vraiment un finalement. Lavio avait tous les défauts du monde mais cela rassurait Ether, le confortait dans l'idée qu'il n'était pas seul. Ils se ressemblaient, tous les deux. C'était difficile d'être Hunter comme d'être Lurantis.

j'aurais préféré le connaître de son vivant.

Il chuchote et Ether se crispe, c'en est presque douloureux de se le dire mais peut-être que c'est mieux comme ça finalement. Il a envie d'achever Ruvik, de le supprimer là, maintenant, tout de suite. Une âme contre une autre, il aurait préféré que ça marche comme ça. Il soupire.

vous le connaissiez bien ? vous pouvez me parler un peu de lui ?

Il connaissait Lavio. Il avait vu ses meilleurs moments comme ses pires, et il s'en souvenait avec soin, pour pouvoir les lui raconter ensuite lorsque Lavio oubliait - même si la mémoire avait tendance à lui faire défaut à lui aussi. Pourtant il se souvenait de tout ce qui concernait Lavio, les détails, les mensonges, toutes ses vérités. Il esquissa un sourire joué, faux, figé.

je ne le connaissais pas vraiment. peu, en fait.

C'est un mensonge, mais il ne juge pas Ruvik digne, il se refuse à lui raconter Lavio, il s'élevait au rang de gardien de sa vie, de son âme soudainement. Et Ruvik n'était pas légitime de savoir. Peut-être qu'Ether était aveuglé, mais si c'était le cas il ne s'en rendrait jamais compte.

j'étais venu rendre visite à ma mère.

C'est la vérité, lorsqu'il venait voir Umbra il allait voir Lavio en même temps, et puis il en voyait d'autres aussi, beaucoup, ils étaient nombreux. Peut-être un peu trop.

je n'ai jamais vu votre père sur sa tombe. sans vouloir vous accabler évidemment. je croyais juste qu'ils étaient proches.

Bien sûr qu'il ne voulait pas l'accabler. C'était de bonne guerre après tout.

je ne le connaissais pas vraiment. peu, en fait.

tu fronces les sourcils. ether est un acteur, il peut aisément mentir, et tu sens que c'est un mensonge. tu le sens sans vraiment savoir, mais qui es-tu pour en réclamer davantage, après tout ? s'il n'a pas envie d'en parler, de t'en parler, c'est qu'il y a une raison. et la raison vient juste après.

j'étais venu rendre visite à ma mère.

silence, tu te crispe un peu. umbra lurantis.

je n'ai jamais vu votre père sur sa tombe. sans vouloir vous accabler évidemment. je croyais juste qu'ils étaient proches.

tu ne dis rien, parce qu'il n'y a rien à dire. parce que tu ne sais officiellement rien, parce qu'il n'a rien dit mais que l'idée te hante. ils étaient proches, c'est une évidence, les signes ne trompent pas, comment pourraient-ils ? tu te souviens à peine du visage de ta propre mère, chassée par celadon, comment savoir ce qui s'est passé ensuite ? rah. tu déteste interroger ta mémoire sur cette période, c'est comme si elle aussi mentait, comme s'il avait réussi à la manipuler, à mélanger les souvenirs, à brouiller les pistes. cet homme est un génie du mal, mais c'est aussi ton père. le père exemplaire qui a prit son de toi, qui a prit soin que tu ne te mêles pas aux autres, que tu n'apprennes rien, peut-être pour ne pas que tu en souffres ? et puis, malheureusement tu penses à sephiroth, amer. tu aimerais en parler à ether, sans trop savoir pourquoi, tu aimerais lui souffler tes doutes et ce qui pèse sur tes épaules mais ... tu n'as pas envie que tout cela remonte aux oreilles de circée et tu ne peux pas être sûr. tu ne veux pas lui mentir, tu lui diras en temps voulu, mais en personne. il ne s'agit pas de l'effrayer. tu lui confieras tout, tu te le promets.

à ce que je sache, il ne vient pas non plus sur la tombe de ma mère. ou sur celle de lavio.

tu réponds, assez froidement. ether veut vraiment t'accabler ? peut-être que oui, peut-être que non, mais ça marche. tu esquisses un sourire triste en relevant les yeux de la tombe de son petit frère pour observer les autres, celles qui sont plus belles, plus grandes, probablement le coin où se trouve umbra, mais assurément celui où sephiroth réside.

il ne vient pas non plus sur celle de l'assistant qui a donné tout son temps pour lui.

tu essayes d'être bref, mais des choses sur sephiroth tu en as mille à dire, mais officiellement son suicide n'a pas été annoncé, pour ne pas t'accabler encore disait celadon. la presse a vaguement parlé d'une disparition, et s'est tût. comme à chaque fois avec ton père, tu supposes.

Il soupira doucement. Sa haine pour Celadon ne faisait que grandir et grandir encore, c'était un fait. Il releva les yeux, retira ses lunettes pour les ranger distraitement dans la poche de son manteau sombre, braquant ses yeux bicolores sur Ruvik. Peut-être que c'était un honneur qu'il lui faisait là, mais bon. Ether se sentait proche de Ruvik d'une manière qu'il ne pouvait qualifier, sans savoir pourquoi.

je ne sais pas si votre père est un homme très occupé ou simplement très cruel.

Il ne cachait plus son aversion pour l'autre homme, désormais. Ruvik savait de toutes façons. Il poussa un nouveau soupir, qui se perdit dans le vent qui s'intensifiait dans le cimetière. Il haussa les épaules, vraiment il n'avait plus envie de parler d'un tel individu dans un tel endroit.

mes condoléances, en tous cas. si je suis digne d'en donner.

Bien sûr que non, il ne pouvait pas les délivrer, pas après avoir offensé Ruvik de la sorte, après avoir insulté son sang, sa famille. Et Lavio qui reposait sous leurs pieds... Il allait vomir.

pardon. je ne suis jamais très poli lorsque je suis sur la défensive. même si je ne sais même pas pourquoi je le suis.

Peut-être qu'il cherchait à baisser sa garde, simplement. Dans des moments où il ne la baissait jamais, même en compagnie des autres Lurantis ou d'amis de toujours. Trouver quelqu'un de confiance n'aurait pas été trop mal. Finalement peut-être que ce que cherchait Ether, c'était de l'aide. Une aide qu'il ne s'autorisait pas à recevoir, mais l'intention était là.

vous allez me trouver étrange, mais votre compagnie m'est plutôt agréable. néanmoins...

Il fronça les sourcils, posant son regard perçant sur Ruvik, une moue soucieuse et pensive au visage.

j'ai l'impression de vous connaître. enfin... vous savez. non, vous ne savez pas non. mes excuses, je suis un imbécile.

Comment passer pour un fou, par Ether Lurantis.

je ne sais pas si votre père est un homme très occupé ou simplement très cruel.

tu ne sais pas non plus mais sa remarque t'arrache un sourire las, triste au fond. tu aimerais croire qu'il n'a pas menti, qu'il a toujours été sincère avec toi, qu'il n'a jamais caché de choses à son propre fils mais les preuves commencent à s'entasser et tu perds en patience.

mes condoléances, en tous cas. si je suis digne d'en donner.

pourquoi ne le serait-il pas ? après tout, il était celui de vous deux qui connaissait le plus lavio, alors à quoi bon se voiler la face en prétendant qu'il était le moindre triste, le moins à plaindre. clairement, tu acceptais ses condoléances, et au fond tu buvais un peu ses paroles, d'une certaine façon. il fallait dire que, avec ou sans ses lunettes, ether avait une aura et un charisme qui en aurait affolé plus d'un. tu étais déjà au courant de son hétérochromie, néanmoins, et heureusement puisque ça aurait été gênant d'avoir une réaction de surprise à un moment si inopportun. d'où l'avais-tu appris, puisqu'il portait souvent des lentilles, durant les tournages et autres apparitions ? probablement de sephiroth, lui savait tellement de choses sur tout le monde. probablement ce qui l'avait tué, si ce n'était pas toi.

pardon. je ne suis jamais très poli lorsque je suis sur la défensive. même si je ne sais même pas pourquoi je le suis.
je comprends.

non, pas vraiment, mais en même temps si, il faut croire que vous vous ressemblez, tu peux être infect parfois, quand tu décides que ce n'est pas le moment. tu t'en veux encore, d'avoir dis des choses que tu regretteras toute ta vie à des personnes que tu as perdu de vue, ou que tu ne seras plus jamais en mesure de voir.

vous allez me trouver étrange, mais votre compagnie m'est plutôt agréable. néanmoins...

et voilà qu'il se tourne pour t'observer, tu es parcouru d'un léger frisson.

j'ai l'impression de vous connaître. enfin... vous savez. non, vous ne savez pas non. mes excuses, je suis un imbécile.

tes sourcils se froncent, quelque chose te dit de prendre sa main et de lui dire que ça va, qu'il n'est pas un imbécile, que tu comprends sans comprendre, mais tu ne veux pas le brusquer. tu ne veux pas lui faire peur, ou le pousser à se renfermer encore plus, alors tu te contente d'un sourire léger et tendre.

moi aussi, d'une certaine façon, j'ai l'impression de vous connaître.

tu détournes les yeux.

peut-être simplement pour avoir dévoré votre filmographie.

tu rougis légèrement, super, tu as l'air d'un fan écervelé maintenant.

Il esquisse un sourire en coin, presque invisible, mais il est bien là. Il se passe la main dans la nuque, un peu gêné même si depuis le temps, il devrait être habitué. C'est plus qu'étrange, pour Ether et sa terrible vision de lui-même, de se dire que des gens apprécient feu son travail, qu'il a ce qu'on appellerait sans trop se tromper des fans. C'est un peu terrifiant. Il a eu de bonnes expériences, comme de très mauvaises pendant sa carrière. Mais se dire que des gens ont regardé tous les films où il apparaît, même les plus insignifiants, même les plus claqués, juste parce qu'ils l'apprécient... ça lui donne un peu le vertige, faut se l'avouer. Il avait un peu les joues roses.

merci. je suis très honoré.

Mais il a l'impression que c'est autre chose - parce que si on part de là, lui aussi il l'a déjà vu. Lui aussi il le connaît déjà, bien évidemment. Il connait la tête de son maire, merci bien. Mais... Ether ne sait pas trop, c'est très étrange comme sensation, il n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui le tracasse. Peut-être que c'est de la frustration. Ou juste une vieille sensation de déjà-vu qui lui colle à la peau, pour le coup. Il soupire.

mais j'ai l'impression que c'est plus profond que ça.

Il y a quelque chose. Comme un lien. Même si ça, c'est probablement lui en train de délirer, encore une fois. Mais bon, il se dit que quitte à avoir l'air bizarre, autant aller jusqu'au bout et passer pour quelqu'un de vraiment glauque. De toutes façons la plupart des gens qui le connaissent le considèrent comme quelqu'un de particulièrement étrange. Après tout ce n'était pas pour rien s'il était considéré comme un meme vivant par une bonne partie des gens sur Internet. Super. Comme s'il avait besoin de ça.

pardon. c'est juste que ça me tracasse particulièrement.

Il se retrouvait tout con quoi. Il soupira doucement, reculant d'un pas en arrière. Le ciel se couvrait dangereusement, super. Il n'allait probablement pas avoir le temps de rentrer sans se faire tremper. Mais bon, au pire il tomberait malade mais quelle importance désormais.

oubliez ça, il vaut mieux. je suis tout de même content d'avoir fait votre connaissance, ruvik.

mais j'ai l'impression que c'est plus profond que ça.

tu sens qu'il va se raviser, tu gardes le silence, et ça ne manque pas.

pardon. c'est juste que ça me tracasse particulièrement.

ça le tracasse. peut-être qu'au fond de toi, tu sais déjà. peut-être que tu songes à vos dates de naissances, à ce que tu sais sur ton père, à ce que tu sais sur la mère d'ether, sa mort, tout ça. peut-être que quelque chose en toi te crie de lui dire que tu es peut-être son frère, mais peut-être aussi que tu as peur qu'il te prenne pour un fou. alors tu ne dis rien. tu ne montres rien. tu détournes les yeux et tu soupires faiblement. tu comprends ce qu'il ressent, tu le ressens aussi. peut-être que vous n'êtes que deux facettes d'un même coeur, peu importe à quel point vous pouvez sembler différents l'un de l'autre.

oubliez ça, il vaut mieux. je suis tout de même content d'avoir fait votre connaissance, ruvik.

est-ce qu'il s'apprête à s'en aller ? tu aimerais bien le connaître un peu plus. tant pis s'il ne veut rien te dire sur lavio. peut-être que c'est justement lavio qui te pousse à lui parler, à vouloir le retenir, le garder auprès le toi, même si tu ne sais pas très bien pourquoi, et que tu as l'impression étrange que ça ne sert à rien. peut-être que tu ne peux pas le retenir, ou peut-être que c'est simplement ce qu'il veut aussi, et qu'aucun de vous n'est capable de le formuler clairement.

excusez moi mais... pourriez vous me montrer la tombe de votre mère ?

tu murmures, presque un peu timide. tu aimerais t'excuser, de n'être jamais venu, quand bien même tu aurais eu milles occasions. et puis, peut-être que le garçon naïf que tu es essaye d'apaiser un peu ce que ton père a bien pu faire, ou alors tu décides de te ranger du côté de la grande actrice. tu n'en sais trop rien, mais c'est presque un besoin maladif, ça vient de te prendre aux tripes. tu relèves les yeux vers ether, esquissant un sourire un peu gêné. tu as envie de simplement attraper sa manche et le supplier de rester un peu plus, mais tant pis si pour cela tu dois trouver d'autres solutions. tu comprendrais aussi qu'il refuse, après tout tu n'as pas légitime de demander cela.

Ether s'arrête, le gravier tapissant le cimetière gémissant sous ses chaussures. C'est fou. Mis à part eux, il n'y a personne dans le cimetière à ce moment-là. Il n'y a personne. Il n'y a pas un bruit. Peut-être, si, le bruit lointain des voitures qui passent dans la rue près du cimetière. Mais elles sont rares. C'est juste eux, le ciel gris et les morts. Ether le fixe au fond des yeux, son visage n'exprime rien, mais il est probable que Ruvik peut lire en lui comme dans un livre ouvert, qu'il peut voir les sentiments négatifs qui l'animent, qui le font se mouvoir comme un pantin. Ether soupire doucement, une mélancolie profonde dans son regard vairon. Pourtant il n'y a pas de mélancolie à ressentir, elle vient de nulle part. Et puis il hausse les épaules, il n'est plus sur la défensive comme il l'avait été pour le cas Lavio, comme si sa mère lui importait peu, comme si Lavio comptait bien plus. Alors qu'en réalité il se déchire de l'intérieur, il a envie de hurler. Il veut garder la tombe de sa mère comme un chien garde une maison, il se sent secoué au fond de lui, il se sent mourir à petit feu, comme lorsque des fans hideux viennent se recueillir sur la tombe d'Umbra Lurantis, alors qu'ils ne la connaissaient à peine. Mais il se pousse même à esquisser un fin sourire et à guider Ruvik jusqu'à la sépulture d'Umbra, à quelques rangées de là.

son emplacement doit vous paraître familier.

Il désigne la tombe à côté de celle de sa mère. Sephiroth de Saëm. L'ironie du sort, comme quoi le destin les voulait vraiment l'un à côté de l'autre, pour rapprocher Ruvik et Ether. Il pince les lèvres, se reconcentre sur la pierre froide et grise, entourée de fleurs fraîches, colorées. Umbra a la chance d'être joliment décorée.

leurs morts sont liées.

Une idée lancée au hasard, une hypothèse, une théorie. Au moment où les mots traversent ses lèvres il les regrette. Il ne devrait pas. Il ne devrait pas faire ça. Il ne devrait pas mettre d'aussi horribles idées dans la tête, presque naïve, de Ruvik. C'est mal ce qu'il fait. Il recule d'un pas, garde le regard baissé.

laissez tomber. je débloque.

Ce n'était pas entièrement faux.

son emplacement doit vous paraître familier.

l'angoisse te serre l'estomac quand tes yeux croisent le nom écrit en lettres dorées sur la pierre froide. sephiroth. sephiroth que tu n'arrives toujours pas à considérer comme mort. comme s'il était juste parti, il s'en était juste allé, sans rien dire, en te montrant du doigt, en te désignant responsable. sans violence ni heurt, et pourtant. suicide. tu n'arrives pas à y croire, mais quelque part tu te dis que ton déni est juste là pour essayer de te protéger du fait que ça puisse être ta faute. que tu es juste ... terriblement égoïste et hypocrite, et sans mentir c'est sans doute ce qui te met le plus au fond du trou.

leurs morts sont liées.

tu n'écoutais pas vraiment mais cette fois tu relèves les yeux vers ether, avant de jeter un regard à la tombe de sa mère, umbra, et reposer les yeux sur lui. deux suicides ? c'est ce qui avait été dit, et l'un comme l'autre semblent plus que suspects, alors c'est sûr que face à leurs deux tombes alignées ... tu fronces les sourcils, comme si ether t'offrait la réponse sur un plateau d'argent. c'est ton sang qui a fait ça, c'est ton père le coupable, d'une façon ou d'une autre. et s'arranger pour mettre les tombes à côtés ... c'est presque comme des aveux, pas vrai ? bien sûr tu n'as aucune preuve, mais le fait de vouloir aligner ses trophées de la sorte ... machinalement tu jettes un regard aux autres tombes, la boule au ventre d'y croiser un nom familier, mais rien ne te choque outre mesure. tu supposes donc que non.

ether, vous...
laissez tomber. je débloque.

quoi ? pourquoi il se ravise de la sorte ? bien sûr, tu étais prêt à le croire, à le soutenir, voir même à lui demander de l'aide, même contre ton père, même contre ton seul repère fixe, et pourtant ...? pourtant il se ravise, comme s'il était allé trop loin. c'est peut-être vrai. tu pourrais lui dire que le deuil fait faire des choses étranges aux gens, brouille les émotions mais ... qui es-tu pour dire ça, et faire des leçons de morale ? non définitivement.

je vous crois.

tu murmures, avant de te redresser finalement, et de glisser ta main dans une de tes poches pour en sortir une petite carte de visite et un stylo, puis griffonner un numéro de téléphone portable à l'arrière, paisiblement.

mais nous ne devrions pas en parler ici.

qui sait quelles oreilles indiscrètes peuvent se cacher entre les tombes, après tout ? et puis, tu préfères qu'il soit prêt, si toute fois il veut rejoindre tes recherches.